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GARCON CHIFFON
de et avec Nicolas MAURY
Critique par Louis Guichard (Télérama)
Acteur en mal de reconnaissance, amant jaloux, il cherche le rôle de sa vie… Poétique, touchant, burlesque : un beau portrait d’homme vulnérable.
Souffre-t-il de multiples problèmes, ou bien d’un seul, qui se manifeste par de multiples souffrances ? Jérémie, acteur, se sent sous-estimé par les gens de cinéma, qui rechignent à lui proposer du travail. Il s’estime tout aussi mal aimé par Albert, son amant vétérinaire, et en conçoit une jalousie obsessionnelle et destructrice. L’amour s’éloigne, la carrière ne décolle pas, les larmes montent. Et voici qu’une réalisatrice au sommet de l’égocentrisme torturé (Laure Calamy, génialement drôle) le voudrait non pas comme comédien, mais comme coach… C’en est trop. Jérémie retourne chez sa mère, dans le Limousin, du moins pour quelques jours, et pour préparer l’audition de la dernière chance : le rôle, au théâtre, d’un « jeune homme mélancolique dans un monde hostile, et qui va se suicider ». À sa manière, sa mère l’encourage : « C’est pour toi ! »
Ainsi Nicolas Maury, désormais célèbre pour son rôle d’assistant émotif dans la série Dix pour cent, s’adonne-t-il aux délices d’une certaine autofiction tragi-comique. Où il est tentant de croire que tout est vrai, puisque le principal l’est, inchangé de film en film : la voix, les intonations, les postures, la pensée qu’elles reflètent, bref le style. La poésie funambule émanant de l’acteur-réalisateur nimbe l’agencement des scènes et voile subtilement leur degré de réalité. Le séjour dans la maison maternelle évoque un voyage mental, un retour en enfance, dans un labyrinthe de souvenirs et d’émotions, plutôt que des retrouvailles réalistes. Même Nathalie Baye, qui avait déjà joué la mère d’un jeune gay (chez Xavier Dolan, entre autres), en paraît réinventée, tout en douceur automnale, enveloppante. Plus tard, un soupçon de comédie musicale inopinée défie l’ordre des choses, mais naturellement, au diapason de ce premier film enchanteur.
Garçon chiffon, autrement dit : masculin singulier. Or la vulnérabilité, la préciosité du héros ne sont pas réductibles à l’homosexualité, bien sûr — Albert le vétérinaire adoré (Arnaud Valois) en offre une autre incarnation, solide et carrée. Entre deux pleurs, Jérémie va, lui, jusqu’à affirmer que les garçons, les hommes représentent à ses yeux un mystère insondable, une altérité radicale, comme s’il n’était nullement des leurs… Le beau mouvement du film consiste à faire peu à peu apparaître des passerelles entre cette personnalité si insulaire et les autres — pas forcément ceux qu’il croyait. Et à laisser opérer l’alchimie qui sauve parfois les cas désespérés : la transmutation de toutes leurs écorchures en rayonnement.